Faut-il avoir une vie extraordinaire pour écrire un livre sur son histoire ?

Écrire un livre sur sa vie même si on pense qu’elle n’a rien d’extraordinaire

Lorsque l’on évoque des destinées hors du commun, naturellement, notre esprit penche vers les personnalités qui ont marqué l’Histoire. Nous pensons à Jules César, à Nelson Mandela, à Simone de Beauvoir, ou (dans un autre registre) à Johnny Hallyday ! En effet, ces conquérants, révolutionnaires, intellectuels, politiciens ou bien stars du show-business ont eu une vie particulière. Une vie si incroyable qu’il nous paraît évident qu’elle mérite un livre. Quitte à nous faire penser que nos vies de « monsieur et madame tout le monde » sont mornes et sans intérêt.

Mais la notion de « vie extraordinaire » n’est-elle pas subjective ? Toute existence ne mériterait-elle pas, au contraire, une biographie au même titre que celle des grandes personnalités ? Voici 5 bonnes raisons d’écrire un livre sur son histoire, que l’on pense avoir un parcours exceptionnel ou non. Car toute vie est extraordinaire à sa manière !

1. Toutes les vies participent à la fabrique de l’Histoire, qu’elles soient extraordinaires ou ordinaires

Trop souvent, ce sont les grands de ce monde qui écrivent l’Histoire. Il s’agit alors d’une Histoire de rois, d’empereurs, de conquérants, de scientifiques. On en retient des noms et des faits. Ce qui n’est pas raconté est oublié.

Or, pour comprendre et raconter l’Histoire, il est indispensable d’y mêler les trajectoires de tout un chacun. D’évoquer les manières dont ces évènements ont effectivement été vécus. Car le tissage de ces différentes existences donne à voir quelque chose qui pourrait ressembler à la tapisserie de la vie humaine.

Ainsi, laisser une trace en écrivant un livre sur son histoire présente un intérêt documentaire et historique. Ce sont les petites histoires qui s’immiscent dans la grande. Et il n’y a rien de mieux pour garder ces traces que des biographies d’individus qui, a priori, pourraient paraître banales, mais qui ont toute leur importance et leur spécificité. Car raconter l’histoire des anonymes permet de comprendre les subtilités. Cela permet également de mettre en lumière, en creux, le quotidien de celles et ceux qui ont eu un parcours plus foisonnant.

Prenons un exemple : le célèbre Journal d’Anne Franck. Anne n’était ni politicienne ni impératrice, elle n’a rien découvert ni mené aucune révolution. Ce qui en fait la biographie la plus lue au monde, c’est justement le fait qu’elle raconte le quotidien. Plus précisément le quotidien d’une jeune fille qui a eu le malheur d’être au mauvais endroit, au mauvais moment. Elle ne relate pas de grands exploits. Au contraire, elle raconte sa vie quotidienne, ses émotions, ses peurs et ses joies.

Derrière la promiscuité de son histoire se dépeint la terrible réalité de la guerre, du nazisme et de toutes les horreurs qui en ont découlé. Son récit est utilisé dans toutes les classes lorsque l’on évoque la Shoah. Son histoire personnelle éclaire de manière singulière et unique cette sombre période de l’Histoire humaine.

💡 Il n’y a pas que cette croyance d’une vie trop « ordinaire » qui peut freiner votre envie de raconter votre histoire dans un livre. Il existe une multitude d’obstacles à l’écriture d’une biographie. Si plusieurs d’entre eux vous empêchent de réaliser votre projet, sans doute avez-vous besoin d’une aide extérieure pour faire le point et vous défaire de vos craintes ?

Écrire un livre sur son histoire présente un intérêt documentaire et historique

« L’extraordinaire se trouve sur le chemin des gens ordinaires. »Paulo Coelho

2. Les trajectoires individuelles peuvent changer notre vision du monde et de la société

Gérard Noiriel, célèbre historien et auteur de l’ouvrage Une histoire populaire de la France, a fait de l’importance de retracer les histoires ordinaires le cœur de sa recherche. Il a voulu éclairer la place et le rôle du peuple dans tous les grands évènements et luttes qui ont scandé l’Histoire depuis la fin du Moyen Âge jusqu’à aujourd’hui.

Pour lui, les récits des « petites gens » ont une importance fondamentale dans la conception que l’on se fait du passé. Selon lui, si l’on se contentait de raconter la vie extraordinaire des grands, il y aurait un trou béant dans les récits humains. Car les décisions prises par celles et ceux qui sont dans leur tour d’ivoire ont un impact direct sur les vies « d’en bas ». Et inversement. Finalement, toute existence — vie extraordinaire ou ordinaire — est enchevêtrée dans celle des autres et il n’y en a pas une qui ait plus de valeur que l’autre.

Dès lors, pas besoin d’être un grand nom ou d’avoir une vie extraordinaire pour écrire un livre sur son histoire. Chaque vie mérite d’être immortalisée. La biographie d’un agriculteur à la retraite illustrera un savoir-faire, un quotidien, la réalité d’un monde et d’un rapport à la terre qui change. Celle d’une institutrice mettra en lumière l’évolution de l’éducation, de l’école, de l’enfance. Le récit d’une mère au foyer éclaircira la place et le rôle des femmes tout au long du siècle passé et celle d’une famille d’immigrés, les réalités du déracinement et des politiques migratoires.

La mémoire collective est modulable et dépend des vérités auxquelles nous avons accès. Les trajectoires individuelles peuvent changer notre vision du monde, c’est pourquoi il est indispensable d’en avoir des traces écrites !

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3. Chaque parcours est, par essence, unique

Il n’est pas non plus nécessaire d’avoir vécu de « grands évènements » pour écrire un livre sur son histoire. Le quotidien, si banal soit-il, mérite aussi d’être mis en mots.

Une vie est faite de toutes ces petites choses accumulées qui nous construisent :

  • des petits bonheurs ;
  • un grand amour ;
  • des déchirures ;
  • des odeurs ;
  • des paysages ;
  • des souvenirs de moments partagés.

Ce sont souvent ces moments de vie a priori insignifiants qui donnent du sens à notre existence. Les partager permet de les sublimer. De les rendre extraordinaires.

Il peut même y avoir beaucoup d’intérêt à relater la vie de quelqu’un qui n’a rien fait (celle que l’écrivain Pierre Michon nomme avec tendresse une « vie minuscule »), car ce rien veut dire beaucoup. C’est rendre poétique nos existences, ce qui aujourd’hui a tendance à se perdre dans la rapidité et le besoin de produire. On pourrait même dire qu’il y a une urgence à poétiser notre quotidien en redonnant de l’importance à l’intime !

Les récits de vie personnels ancrent chaque individu dans un tout global tout en les rendant singuliers. Ils reflètent des idées, des engagements, des caractères uniques et, en même temps, universels.

Écrire son histoire dans un livre pour changer notre vision du monde

4. Raconter sa vie permet de sublimer la beauté de l’ordinaire

Écrire un livre sur son histoire, c’est faire de sa vie extraordinaire (ou ordinaire) une œuvre.

À vrai dire, l’art de raconter le commun n’est pas du tout extraordinaire (au sens propre du terme) dans l’univers littéraire. Citons Marcel Pagnol, dans La gloire de mon père ou Le château de ma mère. Il y raconte son enfance dans les collines emblématiques de Provence. Cette autobiographie embellie par l’imagination redonne vie aux personnages qui l’ont vu grandir. Il fait d’eux des personnages, des héros. Les petits actes du quotidien y deviennent grands exploits. S’esquisse alors la beauté de l’ordinaire.

Plus intime encore, le sublime Les années d’Annie Ernaux, où l’autrice plonge avec une grande sensibilité dans plus de soixante années de ses mémoires de femme. Elle évoque ses douleurs, ses morsures, ses combats et ses victoires. Ce qui est intéressant, c’est qu’elle a imaginé ce livre des années avant de le finaliser.

Plus dur, mais tout aussi grandiose, L’histoire de Bone, dans lequel Dorothy Allison exorcise de manière crue, mais sincère, son enfance violente dans une famille de « white trash » de l’Amérique profonde des années 1950. La liste de ces auteurs et autrices qui ont fait de leur vie une œuvre d’art est longue, si peu « grandiose » soit-elle.

5. Écrire un livre sur son histoire est un véritable exercice d’introspection

Si raconter sa vie dans un livre peut donner plus de corps à l’Histoire, cela permet également de s’identifier à des trajectoires de vie. Nous nous rendons compte que nous ne sommes pas seuls à traverser les questionnements du quotidien.

Écrire un livre sur son histoire personnelle ou familiale peut aussi avoir un rôle expiatoire : retracer le récit de son existence permet d’en déceler les nœuds, de comprendre certains choix, certaines erreurs… Mais aussi d’expliquer des douleurs. Parfois, ce peut être un exercice difficile, car il faut plonger au plus profond de soi et contempler avec honnêteté certaines blessures. Pourtant, le résultat n’en est que bénéfique ! C’est un moment d’introspection précieux, où vous vous retrouvez avec vous-même. C’est un cadeau que vous vous faites.

Les proches qui liront votre histoire auront certainement plus de facilité à vous comprendre et, qui sait, à se comprendre eux-mêmes. La « mise en mots » permet de laisser derrière soi certaines frustrations, incompréhensions. Elle offre l’élan nécessaire pour modeler tout ce qu’il nous reste à vivre.

L’art de l’écriture permet, en outre, de mettre en lumière les choses qui, si on ne s’y était pas penché de plus près, seraient passées inaperçues. En effet, les mots ont ce pouvoir de rendre sublime l’insignifiant, de faire d’un petit moment une grande épopée. De rendre l’ordinaire extraordinaire. Il s’agit ici de savoir sélectionner les événements, les doser. Mais aussi utiliser les termes qui les rendront exceptionnels et les mettre ensemble pour en faire une œuvre tout aussi unique.

Écrire son histoire familiale ou personnelle

En définitive, on peut dire que votre biographie est le livre dont vous êtes le héros ou l’héroïne. Donner de l’importance aux petits moments de vie rend chaque évènement unique. Toute trajectoire est extraordinaire, car aucune ne se ressemble vraiment. Nous venons de quelque part, faisons des choix, prenons des routes toutes tracées ou des chemins de traverse. Nous vivons des moments traumatisants et des périodes douces. Tout cela fait de nous les héros de notre propre vie et si nous nous y penchons, nous pouvons y déceler ce qu’il faut pour la transformer en livre. La trame de notre parcours est déjà écrite, il suffit de savoir comment la raconter !

Votre histoire peut vous paraître morne, sans importance, sans grandiloquence. Peut-être, craignez-vous de ne pas avoir suffisamment de choses à raconter… Mais dès lors que vous prêterez attention aux détails, aux moments marquants, aux événements historiques vécus, aux grands conflits ou petites peines, vous comprendrez peu à peu qu’elle mérite amplement un livre.

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